[ENG/FR] Lettre aux députés européens – réforme des règles budgétaires

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Honorés membres du Parlement, 

La semaine prochaine vous vous prononcerez sur la réforme de la gouvernance économique, essentiellement sur les nouvelles règles qui encadreront les budgets publics nationaux.

La seule bonne question est de savoir si les nouvelles règles permettront d’apporter une réponse adéquate aux priorités de d’aujourd’hui et demain. 

La réponse est clairement « NON » et nous vous demandons de rejeter la proposition.

  • Le projet de règlement réintroduit des règles quantitatives rigides en lieu et place de renforcer le principe d’une coordination informée et fondée sur l’analyse et la délibération entre ministres qui peuvent être tenus pour responsables comme cela a été le cas depuis quatre ans pour faire face à la crise sanitaire puis aux conséquences de la guerre.
  • Le projet fait dépendre pour les quatre à sept prochaines années la trajectoire des dépenses publiques réelles qui conditionnent le pouvoir d’achat des administrations publiques et des transferts sociaux, de calculs complexes à la validité incertaine. Ces calculs sont fondés sur des modèles macroéconomiques et statistiques qui ne sont pas – et de loin – consensuels chez les économistes comme l’ont montré les auditions d’experts par la Commission pour les Affaires Économiques et Monétaires du Parlement.
  • L’encadrement des politiques budgétaires nationales dans un faisceau de règles quantitatives contestables est particulièrement risqué et mal fondé au moment où les besoins urgents de financements publics augmentent et les incertitudes s’aggravent, y compris pour faire face aux conséquences du dérèglement climatique et aux impératifs d’une transition juste.
  • Le résultat des simulations basées sur les calculs du think tank Bruegel généralement bien informé et répliquant la méthode de calcul prévue par le règlement sont sans équivoque. Pendant au moins sept ans, les dépenses publiques réelles (hors intérêts) nettes des hausses de la fiscalité devraient diminuer annuellement dans trois pays (France, Italie et Slovaquie), pratiquement stagner dans trois autres (Espagne, Belgique et Roumanie) et ne pas augmenter de plus de 1% par an dans sept autres (Allemagne, Grèce, Lettonie, Pays-Bas, Autriche, Portugal, Finlande).

En outre le projet

  • ne s’accompagne d’aucun engagement sur un instrument qui succéderait à la Facilité Relance et Résilience et serait pourtant indispensable au financement d’une transition juste dans chaque pays et région européens.
  • privilégie inconsidérément la réduction des déficits et de la dette et ne met pas cette dernière en balance avec d’autres priorités, gestion de la demande à court terme, réduction des inégalités et prévention de menaces vitales, notamment le changement climatique, l’effondrement de la biodiversité et autres menaces environnementales ainsi que la sécurité;
  • met en avant les seuls investissements et réformes structurelles, en particulier du marché du travail, dont l’impact sur la croissance « potentielle » serait mesurable, alors que d’autres mesures ayant des objectifs sociaux, climatiques ou environnementaux sont accessoires dans la procédure;

Votre responsabilité est donc claire.

Si le projet de règlement est accepté, l’application des nouvelles règles en 2025 aggraverait une situation économique morose et serait incompatible avec l’augmentation nécessaire des investissements pour soutenir une transition juste et répondre aux préoccupations en matière de sécurité. Les gouvernements nationaux et les parlementaires seront confrontés à de forts vents contraires politiques et sociaux au niveau national et seront incités à contourner les règles à un moment où plus de solidarité est nécessaire.

Si vous votez « NON » la voie est ouverte au débat sérieux encore nécessaire sur une refonte de la gouvernance économique européenne qui en assurerait la cohérence avec les objectifs de l’Union et les réalités politiques et budgétaires nationales.

Avec nos salutations les plus respectueuses,

Ollivier Bodin

Greentervention


Honourable Members of Parliament, 

Next week you will be voting on the reform of economic governance, essentially on the new fiscal rules that will govern national public budgets.

The only right question is whether the new rules will provide an adequate response to today’s and tomorrow’s priorities. 

The response is  a clear « NO » and we urge you to reject the proposal.

  • This reform reintroduces rigid quantitative rules instead of reinforcing the principle of informed coordination based on analysis and deliberation between the ministers who can be held accountable, as has been the case for the last four years in dealing with the health crisis and then the consequences of the war.
  • For the next four to seven years, the project makes the trajectory of real public spending, which determines the purchasing power of public administrations and social transfers, dependent on complex calculations of uncertain validity. These calculations are based on macroeconomic and statistical models that are not – by far – consensual among economists, as the expert hearings held by the Committee for Economic and Monetary Affairs of the Parliament have shown.
  • Accepting that national fiscal policies are steered by a set of questionable quantitative rules is particularly risky and ill-founded at a time when financing needs for European public goods augment and uncertainties of multiple origins get worse, including security concerns, the consequences of climate change and the imperatives of a just transition.
  • Simulations based on calculations by the generally well-informed think-tank Bruegel and replicating the calculation method set out in the regulation are clear. In the best-case scenario, real public spending (exc. interest) net of tax increases should fall annually for at least seven years in three countries (France, Italy and Slovakia), virtually stagnate in three others (Spain, Belgium and Romania) and not increase by more than 1% a year in seven others (Germany, Greece, Latvia, Netherlands, Austria, Portugal and Finland).

Furthermore, the draft

  • is not backed by any commitment to a successor instrument to the Recovery and Resilience Facility, which would be essential for financing a just transition in every European country and region.
  • inconsiderately focuses on reducing deficits and debt and does not balance this against other priorities, short-term demand management, reducing inequalities and preventing vital threats, including climate change, biodiversity loss and other environmental threats, as well as security;
  • focuses solely on investments and structural reforms, particularly of the labour market, whose impact on « potential » growth would be measurable, while other measures with social, climate or environmental objectives are side lined in the procedure;

Your responsibility is therefore clear.

If the draft regulation is accepted, applying the new rules in 2025 would worsen a gloomy economic situation and would be incompatible over the long term with the necessary increase in investment supporting a just transition and meeting security concerns. National governments and parliamentarians will be faced with strong political and social headwinds at national level and will be encouraged to bend the rules at a time when more solidarity is needed.

If you vote “NO” to the proposal, the way will be open to the still necessary deep debate on an overhaul of European economic governance to make it consistent with the Union’s objectives and the political and budgetary realities of its countries.

With our respectful regards,

Ollivier Bodin,

Greentervention

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