La transition juste a besoin d’un moteur et d’un gouvernail

La réforme du Pacte de stabilité, le Pacte vert pour l’Europe et la transition juste

La transition a besoin d’un moteur et d’un gouvernail

Les 10 et 11 mars prochains, un sommet européen réunira en France les chefs d’États et de gouvernements. La réforme du Pacte de stabilité dont les racines sont dans le Traité de Maastricht signé il y a juste trente ans sera un des sujets de discussion. Cette réforme sera-t-elle cohérente avec les objectifs du Pacte vert pour l’Europe et d’une transition juste? Permettra-t-elle de mobiliser les moyens financiers nécessaires ? Et permettra-t-elle  de bien les orienter? Ou laissera-t-elle les économies européennes comme un bateau sans moteur ni gouvernail ?

Malgré les alertes lancées par les scientifiques depuis des décennies, les décideurs économiques et budgétaires ont continué à privilégier les priorités de court terme. Seule la Commission européenne dirigée par Ursula von der Leyen qui a engagé une action résolue avec l’adoption du Pacte vert pour l’Europe. Mais si l’Union européenne peut fournir un cadre de coordination et de coopération, ce sont bien les politiques économiques et budgétaires des États qui font et feront la différence.  Et pourtant, les politiques annoncées par les États sont insuffisantes pour que les émissions de gaz à effet de serre mondiales et européennes respectent les engagements de l’accord de Paris et du Pacte vert européen. La biodiversité continue à s’effondrer. L’économie européenne, loin d’être circulaire,  est encore une économie qui jette beaucoup et récupère peu.

La réforme du pacte de stabilité devra mettre au centre de la nouvelle gouvernance l’impératif de transition. Ceci nécessite de rééquilibrer les priorités. Les arbitrages entre endettement et investissements dans la transition devront être facilités. Procrastiner n’est pas une option. Ni pour les investissements d’adaptation au changement climatique qu’il s’agisse de se prémunir des dommages de la recrudescence d’évènements météorologiques extrêmes ou de s’adapter à des modifications plus lentes comme la montée des eaux ou les changements agricoles. Ni pour les investissements dans l’atténuation qui devront tôt ou tard être faits, mais dont les retards augmentent les risques que la transition se fasse de façon abrupte et à un coût supérieur.

Personne ne doute que la transition va nécessiter des moyens budgétaires substantiels. Mais, paradoxalement, il n’existe pas encore d’estimations circonstanciées de ces besoins. Personne ne doute non plus de la nécessité de  transformations structurelles de nature et d’ampleur inédites pour réaliser les objectifs du Pacte vert pour l’Europe. Et que des politiques publiques innovantes doivent être mises en oeuvre pour déclencher ces transformations dans la justice sociale. Mais, paradoxalement, même de simples méthodes de « budgétisation verte » ou « d’évaluation d’impact environnementales », pourtant nécessaires, même si non suffisantes, sont encore absentes dans une très large majorité d’États – membres, si non dans la quasi-totalité.

La réforme du pacte de stabilité sera incomplète si elle ne contribue pas à résoudre deux questions en même temps :  celle de la quantité des moyens budgétaires libérés au bénéfice de la transition et celle de leur utilisation. Nous préconisons une approche structurée par les actions publiques et les politiques sectorielles. Cette approche nécessitera dans tous les pays une coordination étroite et équilibrée entre les ministères des finances et les ministères en charge de la transition. Elle est seule capable de fournir une indication sur les besoins budgétaires qui soit aussi fiable que possible compte tenu des incertitudes inhérentes à une transition de l’ampleur prévue. Elle est la seule à pouvoir tenir compte de l’acceptabilité. Elle permet aussi d’encadrer les retours d’expériences. Elle se démarque des estimations des besoins d’investissements auxquelles il est souvent fait recours actuellement. Ces dernières ne fournissent que indications très lacunaires sur les besoins budgétaires. Ni elles ne différencient entre investissement privés et publics, ni ne couvrent l’ensemble des dépenses publiques nécessaires à une transition juste.

Nous proposons cinq critères pour distinguer les dépenses budgétaires qui sont nécessaires à la transition et pourront bénéficier d’un régime privilégié dans le cadre du Pacte de stabilité :

Le premier est que les dépenses contribuent à des actions publiques ou des politiques sectorielles dont l’efficacité et l’acceptabilité sont assurées par un ensemble de mesures réglementaires, administratives et fiscales complémentaires. De telles mesures sont en général indispensables pour  orienter les comportements des ménages et des entreprises. Les dépenses budgétaires nécessaires à la réussite d’une telle action ou politique publique incluent des investissements publics, des aides aux privés (par exemple, isolation des bâtiments, achats de véhicules bas carbone), des programmes de formation professionnelle pour les salariés des secteurs carbonés, les transferts sociaux nécessaires pour aider les plus vulnérables à faire face aux hausses du prix de l’énergie carbonée.     

Le deuxième est que ces actions publiques aient une finalité partagée entre les pays de l’Union européenne et qu’elles contribuent à un bien public européen. Leur contribution à un objectif climatique, environnemental ou social spécifique agréé au niveau européen doit être établie.

Le troisième est que l’efficacité soit évaluée sur base d’indicateurs de résultats bien reliés à l’objectif spécifique.

Le quatrième est que les dépenses budgétaires s’insèrent dans une programmation de moyen / long terme

Le cinquième que l’expansion des dépenses « vertes » s’accompagnent d’une réduction programmée des dépenses « brunes », dommageables aux objectifs identifiés comme prioritaires.

Cette approche permet de concilier la poursuite d’objectifs européens partagés avec la liberté de choix du chemin de la transition correspondant au mieux aux contraintes et préférences nationales. Elle est la condition pour que l’Union européenne réussisse la transition vers une économie respectueuse des limites de la planète tout en renforçant sa cohésion et à retrouver à terme son indépendance énergétique.

Retrouvez également une note complète sur la dimension qualité pour des règles « fit for 55 » ici:

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