[ENG/FR] Les responsabilités des ministres du conseil ECOFIN / The responsibilities of the ministers of the Council of Economic and Financial Affairs

Available in English below

Crédits photo : European Union

Dans les deux notes précédentes nous avons identifié les défis de la transition énergétique auxquels l’Union européenne est confrontée et montré le risque que la réforme de la gouvernance économique en cours passe à côté de l’essentiel.

Partie 3 – Les responsabilités des ministres du conseil ECOFIN

Les ministres des finances, de l’économie et des budgets de l’Union européenne sont collectivement comptables du bon fonctionnement de l’économie européenne, de sa cohésion territoriale et sociale ainsi que de sa stabilité financière.  Ils ne sont pas seuls dans la cabine de pilotage mais ils contrôlent directement ou en coordination de nombreux instruments de politique économique pertinents pour la transition énergétique et la lutte contre le réchauffement climatique (voir box). L’objectif et les orientations qu’ils assignent à la coordination européenne des politiques économiques et budgétaires et les contraintes qu’ils leur imposent conditionnent une transition énergétique et écologique aboutie, ordonnée et juste.

Le changement climatique et les politiques de transition nécessitent de revoir radicalement les fondements des choix économiques et budgétaires pour deux raisons. D’abord, ces choix auront un impact potentiellement catastrophique et irréversible pour des générations déjà nées et futures. Moins que jamais, le court-termisme est une option. Ensuite, ces choix pouvaient être faits jusqu’à présent – avec plus ou moins de bonne et mauvaise foi, d’intelligence, de bonnes et mauvaises surprises, de sens de l’intérêt général et de consentement – en s’appuyant sur des données historiques et une expérience. A l’inverse, les décisions doivent maintenant être prises dans l’attente de situations inédites.

Le GIEC nous prévient de l’intensité et de la nature des évènements physiques qui découleront du réchauffement climatique. Là-dessus le degré d’incertitude reste (malheureusement) limité. Mais deux sources d’incertitude demeurent qui ne pourront être réduites que progressivement : la propagation des conséquences du changement climatique dans nos systèmes socio-économiques et financiers, y compris hors de l’Union européenne d’une part, et l’efficacité des politiques de transition, de l’autre. Ceci nécessitera une approche particulièrement réflective des politiques économiques peu compatible avec des règles trop rigides.

Quels seront les principaux risques pouvant faire faire obstacle à une transition ordonnée qui mériteront une attention particulière ?

Premièrement, Le changement climatique et les politiques de transition accentuent les inégalités. Les ménages les plus vulnérables ont moins de ressources pour échapper aux conséquences matérielles du changement climatique. En outre, la hausse des prix de l’énergie carbonée ou les restrictions réglementaires à l’utilisation de cette dernière pèseront de façon toute particulière, directement ou indirectement sur les   ménages et les petites et moyennes entreprises les plus vulnérables. Aux inégalités de ressources s’ajoutent celles liées à l’accès au crédit. Ces inégalités devront être atténuées en combinant des transferts nets d’impôts et aides ciblés avec des investissements dans des transports publics attractifs et des réseaux de chauffage collectif.

Deuxièmement, la transition énergétique impliquera des restructurations des emplois, par exemple dans l’industrie automobile. Ces restructurations devront être anticipées et les salariés concernés soutenus.

Troisièmement, il existe des inégalités entre les pays. Le changement climatique affecte tous les pays de l’Union, mais certains plus que d’autres, notamment sur le pourtour méditerranéen. Le coût de la transition énergétique qui dépend aussi de choix passés n’est pas non plus nécessairement en adéquation avec les capacités de mobilier les financements nécessaires. Le climat étant un bien commun, la question de l’ampleur nécessaire des financements européens continuera à se poser. 

Quatrièmement, les détenteurs d’actifs financiers, en particulier les banques et les assurances, font face à divers risques climatiques. Une première catégorie de risques inclut les conséquences physiques du changement climatique sur l’économie réelle comme la destruction d’actifs matériels ou la réduction de la productivité. Une autre catégorie de risques, dits de transition est liée à la dévalorisation d’actifs ou de sources de revenus dépendant de l’énergie fossile. Une telle dévalorisation ferait suite à l’effet cumulé du changement de réglementation, du prix relatif de l ‘énergie fossile, de l’évolution des technologies et de comportements des consommateurs. Ces risques ont commencé à faire l’objet d’analyses par les régulateurs financiers et la Banque Centrale européenne. Les premières conclusions sont que les institutions financières ne sont pas encore suffisamment armées. Ces risques resteront d’autant plus élevés que les législations liées aux banques et à la finance, notamment les volets prudentiel et structurel, n’auront pas été adaptées aux risques climatiques.

Cinquièmement, les budgets publics eux-mêmes seront soumis aux aléas climatiques. Une fréquence et une intensité accrues de catastrophes naturelles aura un impact direct, destruction d’infrastructures, transferts aux ménages affectés, aide à la restauration du capital productif, ou indirect, perte de rentrées fiscales. La dévalorisation de certains actifs financiers exposés aux énergies fossiles pourrait également nécessiter des interventions publiques de sauvetage et augmente les passifs éventuels implicites ou explicites.

Box : Les compétences des ministres des finances, de l’économie et des budgets

Ce box est inspiré par les déclarations de la coalition des 80 ministres des finances pour l’action climatique. 22 ministres des finances de l’Union européenne en font partie.

Les ministres des finances, de l’Union européenne contribuent au façonnement des plans d'investissement publics européens et nationaux. Ils supervisent les dépenses dans tous les domaines de politique publique et ont notamment connaissance des subventions aux énergies fossiles, lorsqu’ils ne les contrôlent pas. Ils ont la charge de la fiscalité et connaissent les revenus des ménages et des entreprises. Ils sont donc en première ligne sur les politiques de redistribution et d’aides aux investissements productifs, à la rénovation thermique des bâtiments ou dans une mobilité individuelle décarbonée. Ils ont la charge de la réglementation des marchés financiers et, le plus souvent, des marchés publics. Ils représentent en général l’État actionnaire dans les entreprises privées ou dans les entreprises publiques ainsi que dans les banques de développement nationales et internationales. Ils sont collectivement en charge des financements européens que ce soit au travers du budget communautaire ou d’instruments financiers innovants comme l’a été la facilité redressement et résilience adoptée pour faire face aux conséquences de la COVID. Enfin, ils pilotent ou co-pilotent les relations économiques, financières et commerciales de l’Union européenne avec les pays tiers qui doivent et devront tous contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique.

Sixièmement, la transition nécessite une augmentation substantielle de l’investissement public et privé. Selon une estimation de la Commission européenne datant de 2021 cette nécessaire augmentation serait de 520 Milliards par an pour la transition écologique jusqu’en 2030, soit environ 3,6% du PIB, dont 312 milliards pour la seule transition énergétique et le climat. Cette estimation a été récemment augmentée de 210 milliards, montants nécessaires pour pallier les effets de l’arrêt des importations de Russie. Quel que soit le degré d’incertitude qui pèse sur de telles estimations, une chose est sûre :  la hausse et la réorientation des investissements publics et privés ainsi que des modes de consommation nécessitent de combiner des incitations budgétaires et réglementaires tout en cessant de subventionner les énergies fossiles et en pénalisant les financements des investissements dans des technologies destinées à disparaitre.

Dans la prochaine et dernière partie de cette série de quatre, nous conclurons pour identifier les principaux piliers d’une gouvernance économique qui soit à la hauteur de l’urgence climatique.


In the two previous notes we have identified the challenges of energy transition facing the European Union and shown the risk that the current reform of economic governance will miss the point.

Part 3 – The responsibilities of the ministers of the Council of Economic and Financial Affairs

The European Union’s Ministers of Finance, Economy and Budgets are collectively responsible for the proper functioning of the European economy, its territorial and social cohesion and its financial stability.  They are not the only drivers but they control directly or in coordination many economic policy instruments relevant to the energy transition and the fight against global warming (see box). The objective and orientations they assign to the European coordination of economic and budgetary policies and the constraints they impose on them determine a successful, orderly and fair energy and ecological transition.

Climate change and transition policies require a radical review of the foundations of economic and budgetary choices for two reasons. Firstly, these choices will have a potentially catastrophic and irreversible impact on both existing and future generations. Less than ever, short-termism is an option. Secondly, these choices could be made until now – with varying degrees of good and bad faith, intelligence, good and bad surprises, a sense of public interest and consent – based on historical data and experience. Conversely, decisions must now be made in anticipation of never seen before situations.

The IPCC warns of the intensity and nature of physical events that will result from global warming. On this point, the degree of uncertainty remains (unfortunately) limited. But two sources of uncertainty remain which can only be reduced gradually: the spread of the consequences of climate change in our socio-economic and financial systems, including outside the European Union, and the effectiveness of transition policies. This will require a particularly reflective approach to economic policies.

What will be the main risks to an orderly transition that will require special attention?

Firstly, climate change and transition policies increase inequalities. The most vulnerable households have fewer resources to escape the material consequences of climate change. In addition, higher carbon prices or regulatory restrictions on the use of carbon energy will have a particular impact, directly or indirectly, on the most vulnerable households and small and medium-sized enterprises. In addition to resource inequalities, there are inequalities in access to credit. These inequalities will have to be mitigated by combining targeted net tax transfers and subsidies with investments in attractive public transport and district heating networks.

Secondly, the energy transition will involve job restructuring, for example in the car industry. These restructurings will have to be anticipated and the employees concerned supported.

Thirdly, there are inequalities between countries. Climate change affects all EU countries, but some more than others, particularly around the Mediterranean. Furthermore, the cost of the energy transition, which also depends on past choices, is not necessarily in line with the capacity to mobilize the necessary funding. As the climate is a common good, the question the necessary scale of European funding will continue to be an issue.

Fourth, holders of financial assets, in particular banks and insurance companies, face various climate risks. One category of risks includes the physical consequences of climate change on the real economy, such as the destruction of physical assets or reduced productivity. Another category of risks, known as transition risks, is related to the devaluation of assets or sources of income dependent on fossil energy. Such a devaluation would be the result of the cumulative effect of regulatory change, the relative price of fossil energy, technological change and consumer behaviour. These risks have begun to be analysed by financial regulators and the European Central Bank. The first conclusions are that financial institutions are not yet sufficiently armed. These risks will remain all the higher as long as prudential and structural legislations, among others, has not been adapted to climate risks.

Fifthly, public budgets themselves will be subject to the vagaries of the climate. An increased frequency and intensity of natural disasters will have a direct impact, in terms of destruction of infrastructure, transfers to affected households, aid for the restoration of productive capital, or indirectly, in terms of loss of tax revenue. The devaluation of certain financial assets exposed to fossil fuels could also require public rescue interventions and increase implicit or explicit contingent liabilities.

Box : The competences of finance, economy and budget ministers

This box is inspired by the work of the Finance Ministers' Climate Coalition. Among the 80 finance ministers of the coalition, 22 are from the EU.

EU finance ministers help shape European and national public investment plans. They oversee spending in all areas of public policy, including knowledge of, or control over, fossil fuel subsidies. They are in charge of taxation and know the income of households and companies. They are therefore at the forefront of redistribution policies and aid for productive investments, thermal renovation of buildings or decarbonised individual mobility. They are responsible for regulating the financial markets and frequently, public procurement. They generally represent the State as a shareholder in private or public companies and in national and international development banks. They are collectively in charge of European financing, whether through the EU budget or through innovative financial instruments such as the Recovery and Resilience Facility adopted to deal with the consequences of COVID. Finally, they steer or co-steer the EU's economic, financial and trade relations with third countries, which must and will all contribute to the fight against global warming.

Sixth, the transition requires a substantial increase in public and private investment. According to a Commission estimate of 2021, the need for increase would have been 520 billion per year for the ecological transition until 2030, i.e. about 3.6% of GDP, of which 312 billion for the energy and climate transition alone. This estimate has recently been increased by 210 billion, the amount needed to compensate for the effects of stopping imports from Russia. Whatever the degree of uncertainty surrounding such estimates, one thing is certain: increasing and redirecting public and private investment and consumption patterns requires a combination of fiscal and regulatory incentives, while at the same time ending subsidies for fossil fuels and penalising funding for investments in technologies that are destined to disappear.

In the next and final part of this four-part series, we will conclude by identifying the main pillars of an economic governance that is up to the challenge of the climate emergency.

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